Interne/externe

Interne / externe

20000 lieues sous les mers ou le monde du silence

Dans la jungle des publicités et dans les conflits inutiles entre écoles, les termes d’externe et d’interne sont des arguments massue, sensés renvoyer l’autre à ses exercices et clore une discussion en le rangeant dans les excessifs ou dans l’ignorance de d’imperceptible… La définition de ces mots reste d’autant lu floue dans ce contexte que donner des précisions risquerait de se faire confronter au réel et obligerait à une cohérence que tous n’ont pas. Les braves orientaux nous laissent souvent dans nos croyances, autant par bonté d’âme (ne pas déplaire) que par intérêt (il n’est pas sur que tous sachent aussi définir ce qu’ils supputent – ne pas perdre la face)

Loin d’être une discussion sans objet par les implications concrètes induites par ces choix, il est intéressant de réfléchir à partir de ce sujet pour apprendre à se situer dans l’apprentissage et les actions, car selon l’endroit ou est situé le sujet dans ses représentations, les conséquences pratiques pourront être radicalement différentes. Je ne prétends pas avoir les réponses, il y en a cent. En revanche je propose de définir au moins le sens dans lequel nous utilisons ces mots, évitant ainsi une partie des confusions.

préciser les références

Comme tout mode de la pensée (passée) chinoise, fonctionnant par bannières yin/yang, il importe avant tout de fixer le cadre, le deux ou se déploie le mouvement. Interne externe de quoi? Dans quelle référence nous situons nous?

Interne/externe, nous ne parlons pas d’un lieu … Nous ne parlons pas non plus d’états: certaines actions/activités seraient dehors « externes » d’autres dedans « internes »? Point que cela soit impossible de le considérer ainsi, mais ce n’est pas ainsi que cela se conçoit dans ce mode de pensée, pas dans cette dynamique du regard sur le monde. Car nous sommes dans une dynamique, un mouvement yin/yang, une relation, un regard sur le changement.

Prenons un exemple au hasard bien sûr : la respiration.
Je fais entrer de l’air dans ma poitrine et sortir (ouf). Est-ce une activité externe? Interne? Mauvaise question! Dans le cadre de ce mouvement de la respiration, comme pour tout au demeurant, les deux aspects sont là, en même temps.
D’un certain point de vue, l’air est la relation avec l’extérieur, il entre et sort, c’est plein de choses, oxygène ingéré et gaz divers expulsés, polluants introduits et déchets expulsés, bref une belle chimie visible à l’extérieur, dont on peut mesurer les échanges. Cette chimie intérieur/extérieure est loin d’être étrangère à ce qui va se passer au dedans, elle en est l’un des reflets pas la respiration ne s’y réduit pas…

En écho à ces mouvements extérieurs, la qualité des échanges va varier considérablement en fonction des conséquence s que cette mécanique va pouvoir ou ne pas pouvoir induire à l’intérieur. Si ma circulation se fait mal, les gaz échangés ne circuleront pas facilement vers les lieux de besoin. Si mes mouvements, ma structure osseuse, gênent la dilatation et la conduction, si mes tensions musculaires à la fois limitent l’expansion et consomment de l’énergie, ma capacité à respirer et a conduire le mouvement le long de ma structure en sera affectée: cette partie interne de la respiration est moins facilement mesurable dans l’instant encore que réellement perceptible et a terme fondamentale. On voit bien ici que quel que soit le bilan aérien fait (respiration externe) les conséquences sur la personne (physiologie, énergétique psychologie) seront fort différentes (respiration interne).

Quand nous faisons des affinements de cette perception du souffle dans le mouvement, nous évaluons en même temps un certain aspect de la quantité absorbée mais aussi du confort et de la complétude induite, nous ne faisons pas en soi, quelque chose d’externe ou d’interne: les deux sont évaluations (externe et interne) sont présentes en même temps. Alors à quoi cela sert-il?

C’est ici qu’intervient le positionnement. Si je perçois une gêne, une insuffisance, un manque, et que je souhaite agir (ou non agir) dessus, changer quelque chose à ce mouvement, là se posent à moi plusieurs options et les technique correspondantes font le plus souvent des choix prioritaires.

une attitude plus qu’une action

Je puis augmenter le rythme respiratoire, faire plus de respirations, dilater au maximum, m’entrainer à une technique respiratoire que l’on m’enseigne plus abdominale (?) ou moins selon le professant, aller respirer à la montagne ou au bord de la mer; je peux aussi m’habituer à en faire plus avec moins d’air, mieux « résister » souffrir pour durer (endurer l’endurance) : rien n’est faux, mais l’attention n’est pas apportée à accueillir les conséquences de la pénétration de l’air, mais à la qualité ou à la quantité extérieure de l’air ingéré. Ce sont des techniques d’amélioration dites externes. Elles sont centrées sur le résultat dans l’action, l’effort et sa répétition, l’entrainement quantitatif. Pourquoi pas? Elles ont leur art d’efficacité certaine, le rapidité de mise en oeuvre.

Je puis aussi considérer que les chemins intérieurs appris par mimétisme ou nécessité sont des habitudes inconscientes peu optimisées, que les appuis osseux que j’utilise pour respirer sont devenus inadéquats avec le temps et avec l’histoire, que les muscles agissent selon des ordres plus ou moins contradictoires (« faire plus pour respirer plus », mais s’efforcer dese détendre pour être plus détendu ») ou incohérents (tirer et respirer) qui les inhibent autant qui les stimulent, que la façon dont je me représente un mouvement n’est pas forcément la plus économique et que je ne prends donc pas les moyens intérieurs optimaux pour le réaliser…

Observer que quand je réalise telle action, sensée par ailleurs et normalement réaliste, je ne me fais pas du bien, je fais des efforts démesurés (ici encore il y a doute puisque « si tout le monde le fait » pourquoi ferais-je mieux autrement?)  Bref, je puis aussi considérer l’action et sa respiration de façon écologique, en termes de développement durable de moi-même. Commencer par percevoir mon écologie intérieure, mes nécessités et ce que j’en fais et apprendre de nouveaux chemins, de nouveaux appuis, de nouvelles représentations pour obtenir « le même » résultat, mais dans une économie de moi-même plus satisfaisante! Mais là, si l’autre peut me guider, il ne peut rien m’apprendre: je suis le seul à savoir comment je fais au dedans, comment cela se passe, si je refais la même chose ou si j’ouvre des chemin et lesquels. L’autre, extérieur peut évaluer une différence dans la qualité du résultat (un autre chi) mais rarement connaitre les chemins que j’ai pris, chemins relatifs à mon intimité et ma perception. Là, mon intérieur me dit quelque soit ce que j’énonce à l’autre, si cela lui est plus écologique ou non…. C’est une attitude centrée sur les moyens et les coûts… L’attention à soi pour l’action efficace… Il ne s’agit plus de pousser le moteur, de mettre un carburant plus performant, de mieux ruser pour doubler, mais de réorganiser les pièces du moteur parfois montées à la va vite pour adapter ses performances à chaque type de voyage dans un objectif de conduite agréable. Ce n’est ni opposé, ni contradictoire avec l’attitude précédente, mais complémentaire. C’est plus lent, moins habituel, nécessite plus de concentration, d’attention à des perceptions dont nous avons souvent oublié l’existence. 

Le cheminement externe/interne dans ce mode est donc un équilibre du regard entre les deux aspects et un choix de celui qui est privilégié, selon les circonstances parfois mais ou la pression de l’image de soi ou l’extérieur en termes d’urgence et de résultats fait rarement pencher la balance du côté de la liberté et du bien être. Pourquoi ces deux mots?